Quand on a rien à faire...[PV Gordon]

Une journée depluie, une journée d'ennui, voilà qui résumait bien cette journée-là. Il était déjà le milieu de l'après-midi et il avait plu tout la journée, une énorme averse, un énorme orage et Julia n'avait pas été auorisée à sortir. Quoi ? A cause d'une petite pluie ? Mais non, vous êtes bêtes !^^ La veille, la jeune femme avait participé à un combat où elle avait été blessée et, juste après, elle s'était retrouvée devant Clarisse Menings, une Menissior, qui en avait bien sûr profiter pour se venger de ce qu'elle lui avait fait. En effet, quoi de mieux que d'attaquer son ennemi lorsqu'il est faible ? Et Julia avait une belle blessure aux cotes. Mais elle ne s'en faisait pas, ça allait guérir d'ici peu de temps. Elle avait déjà connu pire. D'ailleurs ele avait voulu sortir prendre l'air et aler boire un verre en ville, mais les anciens la consignèrent dans le QG. Folle de rage et de ressentiment, Julia s'exila direction la cuisine. Ou plutôt, la pièce aménagée en cuisine. Elle leur en voulait de la sous-estimer et de ne pas la laisser sortir.

Une fois dans la cuisine, elle chercha de quoi manger et boire. Elle sortit un paquet de biscuit et une canette de coca. Elle s'assit ensuite sur une chaise et se balança dessus en ouvrant le paquet de biscuits. Ils étaient au chocolat, rie de mieux pour ne pas penser à ces anciens qui ne savaient pas ce qu'ils disaient en l'empêchant de sortir d'ici, même blessée. D'ailleurs, ils étaient nombreux ceux qui sortaient avec une blessure. Ce n'était pas parce qu'elle était l'une des plus jeunes qu'elle devait rester enfermée. Et puis combien de fois avait-elle montré de quoi elle était capable, même dans un état de faiblesse ?

Grignotant un biscuit, Julia sortit sa petite lame de la manche de son pull. Ellec ommença à jouer avec, la passant entre ses doigts. Elle but ensuite un peu de son coca tout en continuant de jouer. Après avoir reposé la canette sur la table, elle s'amusa à lancer la lame au plafond. Celle-ci restait accrochée quelques secondes avant de retomber droit dans lamain tendue de Julia. Elle avait de bons réflexes et avait pris l'habitude de faire ça lorsqu'elle s'ennuyait. Soudain, elle lança la lame, mais celle-ci n'alla pas se planter directement dans le plafond, elle s'arrêta à quelques centimètres de celui-ci, lévitant au-dessus d'elle. Julia arrêta alors de se balancer et regarda la lame d'un air étonné. Celle-ci lévita alors jusqu'à la porte d'entrée où se trouvait en fait Gordon, un télékinésiste quia vait dû bien rire en voyant l'air de la jeune femme.

Ca pour une journée pourrie, c'était une belle journée pourrie.

Gordon était sorti, comme tous les jours d'ailleurs quand son état de santé le lui permettait. Et récemment, il ne s'était pas gravement blessé. de toute façon, il détestait moisir dans ce trou à rat de Tube, qui portait bien son nom. C'était glauque, c'était humide, et quand il se promenait là dedans, tout le monde se foutait ouvertement de lui, ce qu'il détestait mais il avait pourtant l'habitude maintenant, c'était triste à dire.

Et il s'était pris la sauce, ses vêtements lui collaient maintenant à la peau comme s'ils avaient peur qu'on les lui arrache, et ses cheveux trop longs étaient aplaties sur son visage. L'hilarité totale quand il était rentré au QG, avec des appelations du genre "rat mouillé" et autres. Mais bon, il n'avait pas relevé, et était allé se changer, se séchant les cheveux et les ébouriffant du mieux qu'il pouvait.

Puis il se dirigea vers la cuisine, histoire de casser la croûte parce que son estomac lui faisait mal, et entendit un bruit de lame répétitif. Doucement, il s'approcha de la porte, intrigué, et observa quelques secondes le manège de la jeune fille assise sur la table, Julia. Une des cadettes du groupe, que les plus vieux surprotégeaient. Il ne lui avait jamais parlé, mais savait qu'elle avait un pouvoir qu'ils jugeaient tous puissants, beaucoup plus que le sien d'ailleurs.

Amusé, il appuya son épaule contre l'encadrure de la porte et arrêta net la lame juste avant qu'elle ne touche le plafond, puis l'amena à lui et la prit dans sa main, mort de rire intérieurement en voyant la tête que faisait Julia. Mais bon, elle avait un sacré caractère d'après ce qui se disait, et il ne voulait pas non plus se mettre tout le clan à dos.

- Tu trouves pas que ce trou est assez délabré comme ça?

Ravi de son petit effet, il fit s'avancer la lame jusque la table où elle se trouvait et la fit glisser juste à côté d'elle, croisant les bras de satisfaction.

Julia le regarda un instant. Depuis qu'elle était là, elle n'avait jamais pris la peine de lui parler, et lui non plus d'ailleurs. Tout ce qu'ils savaient l'un de l'autre, tout ce qu'ils s'étaient dit, c'était surant les combats, les embuscades ou les entraînements. Et puis, ils ne se retrouvaient pas toujours les deux lors de l'un de ces évènements, c'était même assez rare. Elle savait également qu'il avait été recueilli et qu'il ne se souvenait pas de son enfance. Eh oui, même entre clans, les rumeurs circulaient, mais la jeune femme n'yprêtait pas plus 'attention que ça. Elle attendait toujorus de voir de ses propres yeux, à part pour ce qui était des rumeurs sur les autres clans. Là ellle voulait bien croire à toutes les ignominies qu'on pouvait lui raconter.

Gordon lui adressa la parole et lui ramena sa lame par la pensée. Julia la saisit et la rangea immédiatement, d'un geste rapide et précis, dans la mache où elle la mettait tout le temps. On pouvait voir qu'elle s'entraînait régulièrement au maniement de ces armes tranchantes, et elle était fière de savoir les utiliser de cette façon. A sa remarque, elle regarda un peu autour d'elle puis haussa les épaules avant de reprendre sa canette. Après avoir bu, elle recommença à se balancer puis répondit :

- De toute façon, un peuplus un peu moins, on n'y verrait même pas la différence !

En effet, la cadette du groupe avait la réputation d'avoir un fort caractère et d'avoir déjà beaucoup de répondant pour son âge. Certains disaient qu'elle était un peu trop sûre d'elle, d'autres trouvaient qu'elle était très douée et qu'elle avait raison de se comporter ainsi. Julia n'en avait rien à faire, elle agissait comme bon lui semblait et tant pis si ça déplaisait. Après tout, elle savait se défendre, et elle savait aussi les risques qu'elle courait en allant à l'extérieur. Le fait que les anciens la sur-protègent continuellement l'énervait assez, même si certains disaient qu'elle en profitait, tout comme Eric, le plus jeune du groupe.
Julia prit le paquet de biscuit puis le lança à Gordon.

- Tiens ! J'suis sûre que t'es venu ici pour ça.

Julia lui adressa un sourire amusé. Elle na'vait pas lancé très fort, mais il arriverait forcément à le rattrapper. Elle vit qu'il avait les cheveux mouillés, signe qu'il était allé dehors, malgré ses vêtements secs, on pouvait facilement le deviner. La jeune femme but une gorgée de sa boisson tout en continuant de se balancer.

Julia le regardait, et Gordon n'aimait pas qu'on le regarde. Souvent, quand on le regardait, on le critiquait. Quand on le regardait, c'était qu'on l'avait remarqué. Et ce qu'il voulait par-dessus tout la plupart du temps, c'était passé inapperçu, se fondre dans la masse, ce qu'il n'était pas parvenu à faire chez les Gorgeônes évidemment. Quasiment tout le monde connaissait le petit amnésique pathétique, le chien errant pleins de puces, le gamin qui faisait bouger des stylos à la force de son cerveau.

Elle rangea la lame dans sa manche, et Gordon en déduisit qu'elle l'avait toujours sur elle, donc qu'elle maitrisait tout particulièrement les armes blanches. Tiens, un point commun. Sauf que lui, sa pusisance était décuplée quand il les déplacait par l'esprit. Quand il était trop affaibli, il savait aussi s'en servir à la main, mais il était beaucoup moins fort.

Il rentra dans la pièce et la porte se claqua d'elle même, puis il vit s'appuyer contre un élément de cuisine en face d'elle, sans pour autant être trop près. Il détestait la proximité et en plus de ça, son pouvoir s'effectuait au contact. Il n'était pas fou non plus.

- C'est pas une raison pour faire des trous partout. La guerre s'en charge assez bien comme ça...

La petite avait de la répartie, c'était bien. Enfin, pas pour tout le monde, mais lui trouvait ça bien.

Il attrapa le paquet de biscuits sans pour autant utiliser la télékinésie. S'il utilisait trop son pouvoir, il perdait tout son côté sensationnel, alors il n'en abusait pas. Il en prit un et le croqua, la remerciant d'un vague signe de tête. La sociabilité, c'était pas son truc.

- T'as pas peur pour ta réputation. Si quelqu'un te voit parler avec le vilain petit Gordie...

Qu'est-ce qu'il détestait ce surnom. Mais il l'avait dit exprès ironiquement. Il se doutait bien qu'elle se foutait de l'opinion des autres, mais il était étonnant qu'elle ne le déteste pas alors que les anciens lui disaient qui aimer ou non.

Qu'il aime ou non qu'on le regarde, Julia s'en fichait. En général, elle n'en faisait qu'à sa tête, que ce soit en geste ou en parole. D'ailleurs, elle l'observait de son regard d'un bleu pénetrant, comme elle le faisait avec tout le monde. C'était une habitude de garder ses yeux sur un personne, afin de l'évaluer, comme on lui avait toujorus appris. A vrai dire, c'était surtout pour les combats, mais c'était à présent ancré en elle. Ca n'avait rien d'impoli ni même de "méchant", d'ailleurs elle ne le jugeait pas, elle essayait de juger ses capacités.

Il s'appuya contre un meuble de la cuisine, face à elle et prit l'un des biscuits qui était dans la boîte qu'elle lui avait lancée. Apparemment il n'avait pas envie de venir trop près d'elle, comme il voulait, mais elle n'allait pas le manger. Et puis elle ne s'amusait pasà toucher toutes les personnes qu'ellet rouvait pour voirleur passé, surtout que cles images étaient parfois désagréables, surtout chez les Gorgeônes. Les visions ne remontaient qu'à quelques mois maximum, mais ça ne changeait en rien leur nature parfois déplaisante.

A sa remarque, elle haussa les épaules sans répondre cette fois-ci. Elle butune gorgée dans sa canette puis regarda leplafond. Il n'était pas si mal comme ça. Elle pensait redécorer tout le QG comme ça puisqu'elle était condamnée à rester jusqu'à ce que sa blessure guérisse. Elle eut à nouveau une vague de rage contre les anciens qui ne la laissaient pas sortir. Elle ruminait sa colère contre eux depuis le matin et ça durerait sûrement plusieurs jours ainsi.

Gordon lui demanda alors si elle n'avait pas peur pour sa réputation de trainer avec lui. Elle haussa un sourcil, étonnée de sa question tout d'abord, puis réfléchit quelques instants. Il était vrai que laplupart des Gorgeônes n'aimaient pas beaucoup Gordon. Ahles rumeurs, que ferait-on sans elles n'est-ce pas ? Mais Julia n'en avait que faire. Elle seforgeait son caractrèe, ses idées et sa façon de penser et juger les gens.

- Le vilain petit Gordie ne m'a rien fait à c'que je sache, et ma réputation est le dernier de mes soucis en ce moment !

Elle fulminait encore à props de cette histoire de blessure. Ses cotes lui faisaient encore un peu mal, mais elle ne ressentait presque plus rien. Si la douleur avait persisté, c'était parce que Clarisse l'avait amplifiée, sinon elle serait déjà sur pieds. Ah,ce qu'elle pouvait la détester celle-là ! Mais bientôt,elle en finirait avec elle. Enfin, Julia demanda :

- En fait, il se passe quelque chose d'intéressant aujourd'hui en ville ? Ou c'est aussi mort qu'ici ?

*Et nan, j'ai rien fait à personne*

C'était ça le pire. Il ne faisait jamais rien à personne, et peut-être même que c'était pour ça qu'on le blamait. Après tout, les Gorgeônes n'étaient pas si amicaux que ça, il n'allait pas aller faire un câlin au premier venu ni mordre le malheureux qui oserait s'approcher de lui. Il se contentait de conserver une attitude neutre et impassible, poli quand on lui parlait, cynique dans ses idées et indifférent quand on l'ignorait ou quand on l'humiliait. Enfin, du moins, maintenant. Parce qu'avant, il prenait très mal ces grands moments où les plus cruels s'amusaient à l'embarasser, mais plus maintenant. Ca lui passait au-dessus et le meilleur mépris, c'était le silence, il l'avait bien compris. Ses bourreaux préféraient l'époque où il s'indignait.

Décelant une petite once de colère chez l'adolescente, et étant d'un naturel plutôt curieux, Gordon rêvait de savoir ce qui lui trottait dans la tête à ce moment précis. Et dire qu'il y en avait qui en étaient capables sans même poser de questions... Sympa le détecteur de mensonges. Tiens, ça lui faisait penser à Hannah, son ancienne mentor. Il faudrait qu'il pense à aller sur sa tombe un de ses quatre, ça faisait longtemps.

- Je vois ça. Qu'est-ce qui se passe, les croûtons t'empêchent encore de jouer la grande?

Ils la bridaient trop et ça leur retomberait sur le coin du nez un de ses jours. Il la voyait parfois, fulminante, traverser le tube comme une furie parce qu'un ancien lui avait dit de ne pas faire ci ou ca. Tout ça parce qu'elle était jeune. En même temps, lui, il était venu ici à 17 ans et il n'avait jamais été surprotégé. Ni protégé tout court, sauf peut-être un peu par Hannah, quoique. Comme quoi, les têtes jouaient, fallait pas compter sur l'égalité des gens ici.

Quand elle lui demanda ce qui se passait dehors, il était maintenant sûr et certain qu'elle n'avait pas eu le droit de sortir. Pourquoi, ils craignaient qu'elle ne chope une pneumonie ou quoi? Il haussa alors les épaules et posa sa main ouverte sur le meuble, continuant à la regarder et attira à lui une canette qui se trouvait à l'autre bout. Il avait la flemme de se bouger et parfois, son pouvoir lui économisait des déplacements inutiles. Il l'ouvrit et but une gorgée avant de répondre.

- Etant donné le temps, tous les Menissiors fuient comme des lapins poursuivis par les renards. Tu vois, ils ont pas peur de nous soit-disant, et suffit de leur mettre trois gouttes d'eau sur la peau pour qu'ils le craignent autant que de l'acide. Bande de geignards...

Une question trottait dans la tête de Gordon, mais il s'abstint de la poser pour l'instant.

Effectivement, Gordon n'avait sûrement rien fait à personne, et dans une situation de combat, Julia aurait trouvé cette attitude complètement déplacée. Mais ici, entre membres du même clan, elle trouvait ça tout à fait naturel. Elle était peut-être très forte de caractère et assez antipathique sur les bords avec certaines personnes, mais il lui semblait qu'entre les Gorgeônes ils pouvaient au moins se respecter. Enfin, disons que ça ne lui paraissait pas trop demander à des gens un minimum matures. Certains n'arrêtaient pas de s'envoyer paître à longueur de journée et parfois des batailles avaient lieu dans leur QG, et elle trouvait ça complètement stupide de perdre leurs forces alors qu'ils pouvaient les utiliser pour quelque chose de bien plus utile à l'extérieur, pour exterminer les Menissior par exemple.

Bien sûr que Julia était en colère, elle en avait marre d'être ainsi couvée. La protecction et les anciens pouvaient se révéler très utiles, mais c'était parfois très lourd. Même souvent. Plus la jeune femme grandissait, plus elle en avait marre d'être ainsi surveillée. Elle était majeure et ne pensait aps avoir besoin d'être consignée dans le QG au moindre problème. Elle savait où étaient ses limites et à quel point elle devait les pousser, et en ce moment-même, elle se sentait assez en forme pour sortir. Gordon lui fit une remarque très juste et elle leva les yeux vers lui. Finissant sa canette, elle l'écrasa et la lança dans la poubelle dans un coin de la pièce. Continuant de se balancer, elle répondit d'un air las :

- Je me demande si c'est parce qu'ils ont rien de mieux à faire ou si c'est juste parce qu'ils me pensent pas encore assez mûre pour juger par moi-même...

Ca pouvait presque paraître pour une sorte de confidence, mais ce n'était pas vraiment le cas. Si elle avait voulu se confier, elle lui aurait blancé directement toute l'histoire d'un seul trait, lui avouant qu'elle en avait plus que marre et qu'elle se pensait à présent assez grande pour savoir ce qui devait être fait ou non. Bien sûr, certains pouvaient la penser impétueuse et trop sûre d'elle dans sa façon de penser, mais elle était comme ça. Elle suivait souvent les conseils durant les entraînements, mais après tout, c'était à son avantage. Du moment qu'elle jugeait une parole inutile ou indigne de son intérêt, elle ne l'écoutait pas, ou seulement d'une oreille.

Enfin, Gordon lui répondit ce qu'il se passait dehors. Peut-être qu'après tout elle ne ratait pas grand chose de ne pas sortir. Seulement, l'endroit était parsemé de courants d'air frais, et Julia frissonna sans le vouloir. Elle ne dit rien, réfléchissant d'un air distrait. Enfin, elle ressortit son couteau et s'amusa à nouveau avec, le faisant passer entre ses doigts, le faisant tenir en équilibre sur la point ou encore en le lançant en l'air, sans toutefois lui faire toucher le plafond. Tout en maniant cette lame, elle répondit :

- En fait, c'est pas si étonnant. Les Menissior sont plutôt douillets quand on y réfléchit...Et puis ils sont pas très malins, ils se font facilement avoir...

Elle les trouvait un peu lents d'esprit, mais il fallait dire que ce n'était pas un avis très objectif. Alors qu'elle rattrappait sa lmae pour une énième fois, elle eut une vision d'un évpnement passé. Ca ne remontait pas à très loin, deux semaines tout au plus. Son combat contre Clarisse. Elle avait réussi à la blesser aveec cette même lame mais n'avait pas réussi à en finir avec elle. Julia émergea à nouveau de son moment d'absence, clignant des yeux, comme à chaque fois qu'elle revenait à la réalité, légèrement en colère contre cette Menissior qui lui avait à nouveau échappée.

D'après ce qu'il savait, Julia n'était pas une fervente admiratrice des combats entre Gorgeônes qui se déclenchaient parfois dans les couloirs du tube, et Gordon ne trouvait pas ça franchement malin non plus. Déjà, les forces du bien étaient plus nombreux qu'eux, et moins malins certes, mais à quoi bon se taper dessus et se blesser alors que les Ménissiors et autres alliés à eux s'en chargeaient tout aussi bien? Ils pouvaient se détester en silence non?

Plusieurs fois, on avait essayé de le provoquer en duel, mais il avait toujours refusé. Enfin, surtout une fois où le type l'avait traité de lavette et avait insisté, lui frappant violemment la colonne vertébrale tandis qu'il était de dos. Enragé d'avoir été ainsi pris en traître, et ne maitrisant pas ses pouvoirs à la perfection à cette époque, sa colère lui avait fait léviter la première chose qu'il avait vu, à savoir une lourde barre de fer que le type s'était pris en pleine tête. Gordon avait été puni pour ça, c'était un comble quand même... Et ce qui avait été entendu comme punition, ça avait été se retrouver torse nu, les mains liés dans le dos en plein mois de décembre, en présence de Joshua pour éviter qu'il ne se rebelle à force de télékinésie, mais aussi pour que le chef admire tout le petit spectacle. Il avait été tabassé jusqu'à avoir des marques sanglantes dans le dos, et la peau lacérée à plusieurs endroits. Dur dur de repenser à ça, il ne l'avait d'ailleurs dit à personne, même pas à Andie.

- Les anciens aiment bien torturer les jeunes, question de sadisme. Et plains-toi pas, c'est pas physique.

Il parlait en connaissance de cause après tout, il n'en dirait pas plus. Après tout, il ne la connaissait même pas et ne comptait pas spécialement lui raconter des souvenirs pénibles dans ce genre là, surtout qu'il n'y en avait pas eu qu'un seul.

Elle ne tenait pas en place, c'était tout à fait stressant, bougeant ses pieds, puis son couteau, les deux... Ca mettait les nerfs de Gordon à vif, ça le stressait presque mais il restait impassible, essayait de se concentrer sur le visage de Julia, mais c'était peine perdue, ça le gonflait trop.

Le couteau alla alors se planter dans le mur à l'autre bout de la pièce à une vitesse fulgurante, produisant un petit bruit sourd, puis les pieds de la jeune femme qui se balançaient dans le vide s'arrêtèrent subitement, et visiblement elle avait l'air étonné de ne pas pouvoir contrôler son propre corps.

Gordon, les bras croisés et le sourire aux lèvres, souffla enfin.

- Tu vois, c'est beaucoup mieux quand tu te tiens tranquille.

Il n'était pas capable de déplacer un être humain animé, juste les inconscients et encore, c'était arrivé deux fois. Enfin là, il ne s'agissait pas de bouger quelque chose, mais d'opposer une résistance et de bloquer ses jambes, ce qu'il était parvenu à faire sans trop s'en rendre compte.

Tout à coup, il eut un flash étrange en tête et ferma les yeux en poussant un léger râle de douleur, touchant son front de sa main gauche, puis tout redevint plus calme, hormis la migraine vibrante qui lui paralysait le cerveau. C'était malin, il avait perdu sa concentration sur Julia. Et son mal de crâne l'empêcherait sans doute d'utiliser son pouvoir dans le quart d'heure à venir.

*Qu'est-ce qui m'arrive?*

En effet, Julia n'avait jamais été punie physiquement. Se faire battre ou attaquer par les membres de son clan ne lui était jamais rrivé, mais elle savait bien que ça arrivait de temps à autres sur certains. Quelle perte de temps ! Et en plus, les membres punis pouvaient très bien se retourner contre leur propre groupe afin de se venger. C'étit déjà arrivé à maintes reprises, des deux côtés. Espérons simplement que Gordon ne ferait pas cette bêtise. Ou du moins ce que Julia considérait comme une bêtise. Mais la réponse de celui-ci ne laissa place à aucun doute, lui-même avait déjà subi ce genre de choses. Julia haussa les épaules.

- T'as peut-être raison. En tout cas ça devient assez lourd...

Elle oussa un soupir en continuant de se balancer. Ben oui, la jeune femme ne tenait pas en place. Lorsqu'elle n'avait rien à faire, c'était toujours comme ça. Elle n'osait pas sortir et il ne fallait même pas songer à l'entraînement auquel elle pourrait se blesser, attention.^^ Enfin, elle n'était psa interdite d'entraînement, mais ils lui avaient conseillé de ne pas forcer. Et un entraînement sans se forcer, sans aller jusqu'au bout de ses capacités, n'était pas un entraînement. Julia avait donc décidé de ne rien faire.

Alors qu'elle était au mileu d'un balancement, son couteau alla voyager à l'autre bout de la pièce et elle se figea net dans les airs. Elle ne pouvait plus bouger et c'était une sensation des plus horribles. Seule sa tête pouvait se tourner dans le sens qu'elle désirait, et elle lança un regard noir à Gordon lors de sa remarque. Puis l'emprise du jeune homme se défit. Elle reprit alors possession de ses mouvements, mais n'en prit conscience que trop tard car elle bascula en arrière avec la chaise et s'étala par terre. Après quelques fractions de secondes, elle se releva rapidement puis alla rechercher sa lame sans faire attention à Gordon. Elle l'arracha du mur sur le quel elle s'était plantée puis revint vers celui-ci. Elle le menaça du couteau puis dit d'une voix sèche :

- Si tu recommence ça, je te le lance entre les deux yeux !

Elle l'observait et remarqua soudaint qu'il n'avait pas l'air bien. Il se tenait la tête, comme lors d'une migraine. Elle rangea sa lame sans dire un mot, se demandant bien ce qu'il avait. Elle demanda d'une voix plutôt spche, comme à son habitude, loin d'être compatissante :

- Ca va ? Qu'est-ce que tu as ?

Eh oui, la jeune femme n'était pas du genre à prendre pitié des gens, à part si elle était vraiment proche d'eux, ce qui n'était pas le cas de Gordon. Apparement il avait eu un problème avec son pouvoir et ce n'était pas vraiment agréable. Les pouvoirs psychiques étaient souvent redoutables quand on n'arrivait pas à les contrôler. La jeune femme savait de quoi elle parlait. Au début, lorsque ses dons étaient apparus, elle avait toujours d'incroyables maux de tête, dûs à ses visions diverses qu'elle n'arrivait pas à décrypter.

Aussi étrange que celà puisse paraître, lorsqu'il rouvrit les yeux, toujours aussi crispé et la tête affreusement douloureuse, il ne fut pas surpris le moins du monde de retrouver la jeune fille par terre, comme s'il le savait. Mais comment il aurait pu le savoir? Il n'avait aucun moyen. C'était peut-être ces moments de déjà-vu comme on disait, en tout cas ça lui faisait une drôle d'impression. Il referma aussitôt les yeux, il avait l'impression que la griffe de l'Horckiliôn de l'autre jour venait lui transperçer la tête de part et d'autre.

Apparement, il avait détourné le regard au moment même où elle le menaçait de lui planter sa petite lame entre les deux yeux. S'il n'avait pas été si mal en point, il aurait éclaté de rire, mais franchement il n'en avait pas envie sur le moment. Non mais elle croyait quoi? Que ça aurait atteint sa cible. Il l'aurait bloqué, évidemment, ses réflexes s'étant développés au fil des entraînements.

*Si ça va?*

Irrité et particulièrement agressif, comme à chaque fois qu'il se payait une migraine pareille, Gordon lui répondit sans aucun ménagement avec son habituelle ironie.

- Oh oui, je pète le feu! J'me prends la tête dans les mains parce que j'adore me caresser le front!

*Petite c*nne!*

Il n'était pas vulgaire, du moins il ne disait jamais de grossièretés tout haut, mais ça ne l'empêchait pas de les penser bien fort. Il détestait qu'on lui parle de cette façon là mais d'habitude, il s'en foutait, sauf que là, il était particulièrement énervé. Ca devenait de plus en plus fréquent, et c'était largement plus désagréable que les premières fois. Ca lui faisait mal, et le fait de ne pas comprendre, cette frustration extrême le rendait encore plus nerveux.

Il ouvrit alors les yeux sur la jeune femme, son regard assombrie par la douleur qu'il ne pouvait chasser, et sans même s'en rendre compte, un pot de verre lévita derrière elle et alla exploser avec violence contre le mur en carrelage au fond. Son pouvoir fonctionnait encore visiblement, mais il ne le controlait absolument pas. Sans même trop s'en rendre compte, il se laissa glisser contre l'élement de cuisine jusqu'au se retrouva assis sur sol glacé, les genous repliés contre lui et la tête entre les mains, les yeux de nouveau clos comme si la lumière lui faisait encore plus mal. Etrangement, le souvenir de la scène de torture faite par les accolytes de Joshua quelques années auparavant tournait en boucle dans sa tête et le rendait dingue. Il espérait bien qu'elle n'oserait pas le toucher, parce qu'il ne voulait pas qu'elle voit ça.

C'était son affreux souvenir.

Evidemment qu'il était en colère, ça se comprenait. Ce n'était jamais agréable d'attrapper une migraine qui arrivait sans prévenir, tout à fait inopinément. Ce genre de choses étaient on ne peut plus douloureux, d'autant plus que ça prenait par surprise. Et effectivement, Julia ne devait pas paraître très menaçante, surtout devant un télékinésiste, mais là il n'était pas vraiment en position de force puisqu'il était en proie à une douleur intense.

Sa réplique rendit Julia encore plus antipathique. Ah bon, puisque c'était comme ça, qu'il reste là, elle ne s'occuperait certainement pas de lui. Elle voulait bien rendre service, mais il y avait des limites. La jeune femme n'était pas non plus soeur Thérèse. Alors elle répondit d'un ton extrêmement froid et sarcastique :

- Bon, puisque tu pète le feu, je pense que j'peux te laisser !

Elle se détourna et se dirigea vers la porte de la cuisine pour sortir. Mais au même moment, un verre alla se briser sur le mur vers le quel elle se dirigeait, ce qui la stoppa net. Elle se tourna à nouveau vers Gordon et remarqua que celui-ci était assis par terre, appuyé contre le meuble de la cuisine. Il avaitl'air deplus en plus mal et il était agité de tremblements. Certaines portes de placards s'ouvraient et se refermaient sous l'effet de son pouvoir, ainsi que la porte de la cuisine. Un peu moins rasssurée que tout à l'heure, Julia finit par se précipiter vers lui. Manque de chance pour lui, elle posa sa main sur l'épaule du jeune homme et une vision la parcourut.

C'était la première fois qu'elle voait quelque chose qui avait eu lieu plusieurs années auparavant, sûrement à cause de l'état de Gordon, mais ce qu'elle voyait ne la rendait pas vraiment fière d'elle. Certains membres le torturaient, lui infligeaient des souffrances abominables. La vision dura plusieurs longues secondes sans qu'elle puisse se détacher de lui, puis enfin, elle s'estompa. Elle se releva alors, s'éloignant d'un pas ou deux, trouvant toujours plus horrible le fait que les Gorgeônes torturaient parfois les leurs. Non, Julia ne changeait pas de camps pour autant, détrompez vous. Elle trouvait cela surtout absurde et incensé. Elle regarda à nouveau Gordon de ses yeux d'un bleu pénétrant mais n'osait plus le toucher de peur de revoir ces horribles images défiler devant ses yeux. Elle ne contrôlait pas encore assez bien son pouvoir pour s'empêcher de voir quelque chose en touchant un objet ou une personne. Elle dit d'une voix où preçait un semblant d'inquiétude :

- Calme-toi, ça va s'arranger.

Elle ne savait pas quoi faire ou dire d'autre. Après tout, elle ne pouvait rien faire pour lui. Et elle ne pouvait même pas sortir étant donné que la porte de la cuisine s'ouvrait et se refermait à une vitesse qui empêchait qui que ce soit d'entrer ou sortir. Elle n'aait plus qu'à attendre.

*C'est ça, dégage!*

En fait, c'était tout ce dont avait besoin Gordon pour le moment. Qu'on le laisse en paix. Il détestait montrer ses faiblesses quand elles étaient aussi évidentes que ça, et surtout il détestait se montrer agressif envers quelqu'un qui ne lui avait rien fait. Mais c'était comme ça, ces épouvantabls migraines le rendaient complètement dingue.

Il entendait un nombre incalculable de bruits autour de lui, des claquements violents et il parvint à ouvrir les yeux une fraction de seconde, réalisant alors qu'il était totalement hors de contrôle. C'était vraiment lui qui faisait tout ce vacarme, ce qui amplifiait sa migraine à tel point qu'il aurait voulu se mettre une balle en pleine tête.

La seconde d'après, il fut secoué d'un tremblement violent et réalisa alros que Julia le touchait. Il aurait aimé se dégager, qu'elle ne voit rien, mais c'était trop tard. Le souvenir défilait dans son esprit, comme un mauvais film où la touche stop est coincée alors qu'on veut l'arrêter. Il essayait de se focaliser sur une autre chose, mais peine perdue, il était là, à assister impuissant à ses coups qu'on lui assenait pour la enième fois, toujours au même endroit et étrangement, il avait mal physiquement alors que ce n'était qu'un souvenir maintenant.

Elle le lâcha finalement, et il savait qu'elle savait, ce qui lui était totalement insupportable. Il toussa fort, comme s'il n'avait pas respiré depuis deux minutes, et remarqua que le mal de tête se dissipait peu à peu. Ca n'était pas les paroles de la jeune femme qui lui faisait cet effet, ça ne lui faisait même rien ce qu'elle lui disait, mais peu à peu il se sentait revenir de son état second. Il colla le dos de sa tête sur le meuble derrière lui, penchant legèrement celle-ci en arrière en attendant que le malaise passe et au bout de quelques minutes, tout le raffut cessa et la pièce redevint calme et silencieuse, uniquement emplie de la respiration bruyante et accentuée de Gordon, qui tentait de retrouver un semblant de conscience alors que la douleur était partie.

Il ouvrit finalement les yeux, et s'apperçut que des larmes de douleur avaient coulés sur ses joues brûlantes, causées par le souvenir de cet affreux jour de torture. Il planta son regard océan dans celui de Julia, captant son attention afin qu'elle ne s'enfuit pas avant qu'il ait eu le temps de parler.

Il desserra les dents, se rendant compte qu'il s'était même mordu la langue tellement cette fois la souffrance avait été intense, et le goût de sang se répandit dans sa bouche, comme une sensation désormais trop familière. En fait, si elle ne l'avait pas touché, il n'aurait sans doute pas autant eu mal, mais elle ne pouvait pas savoir.

Il chercha ses mots, ne voulant pas passer pour un crétin bredouillant et retrouva finalement son aplom, se relevant en ne la lâchant pas une seule seconde du regard. Il tenait debout, c'était déjà ça.

- N'en parle pas, c'est déjà assez pénible comme ça.

Il parlait du souvenir et de ce qu'il venait de se passer. Il n'avait pas besoin que ces rumeurs là se répandent, il en avait assez sur le dos comme ça.

Julia le regardait, impuissante face à ce phénomène auquel elle n'avait jamais assisté. Elle savait que les pouvoirs dus au mental étaient très difficiles à contrôler, le sien lui donnait parfois d'atroces migraines. Au début, les visions s'accumulaient à chaque fois qu'elle touchait un objet, aussi inintéressant soit-il. Mais la télékinésie, c'était autre chose. Lorsqu'il ne le contrôlait pas, c'était aussi les gens autour de lui qui étaient en danger. Heureusement, les portes qui claquent n'étaient pas vraiment horriblement dangereux, mais imaginez qu'il commence à faire voler des couteaux ou des verres qu'il enverrait se briser cintre un mur ou autre. Julia courait un risque, même s'il était minime pour l'instant.

Après la vision qui l'avait assaillie sans qu'elle ne puisse rien faire, elle resta sans bouger à le regarder. Elle avait réussie à la stopper après de nombreux efforts et une grande volonté. Il n'était pas toujours simple de les arrêter, surtout lorsque ces souvenirs étaient ceux d'une personne et non d'un objet. Julia avait encore beaucoup de peine, et certaines images n'étaient pas particulièrement agréables. La jeune femme pouvait paraître stupide à rester là sans rien faire, mais elle était quelque peu dépassée par les évènements. Autant elle était prête à affronter n'importe quoi, autant les problèmes liés aux pouvoirs étaient encore déstabilisant.

Enfin, Gordon se calma, reprenant sa respiration lentement. Il était encore agité de légers tremblements, mais il s'était calmé. Les meubles de la cuisine arrêtèrent de s'agiter et Julia put enfin se détendre. Il la regarda et elle soutint son regard. Quelques secondes passèrent avant qu'il ne se lève avec lenteur et reprenne la parole. Elle n'avait aucune envie de s'enfuir à cause de ce qu'elle avait vu. Des horreurs, il s'en passait tous les jours dans cette ville, et même si c'était difficile à admettre, au sein même de leur clan. A la remarque de Gordon, elle reprit immédiatement contenance et le petit air arrogant qu'on lui connaissait si bien. Elle répliqua :

- De quoi tu veux que je parle ? Il s'est rien passé !

Elle garda ses yeux fixés dans les siens. En effet, elle ferait comme si rien ne s'était passé. Elle savait que certains Gorgeônes passaient leur temps à le rabaisser, et ce genre d'histoires ne l'aideraient pas, au contraire. De plus, elle ne comptait pas parler non plus de ces images qu'elle avait vues. Comme il l'avait dit, c'était assez pénible, et puis elle n'allait pas en rajouter une couche. Malgré ça, elle ne lui montra aucune sympathie. Mais étant donné que c'était tout de même l'un des membres de son clan, elle se dirigea vers un placard, en sortit un verre, le remplit d'eau et retourna vers lui pour le lui donner.

- Tiens, prends ça, t'es tout pâle. T'aurais pas dû sortir tout à l'heure, je crois que t'es en train de tomber malade !

Elle lui adressa un regard éloquent. Évidemment, elle ne pensait pas que c'était à cause de ça, mais elle lui donnait une raison d'expliquer son état si quelqu'un le croisait et il valait mieux pour lui qu'il joue le jeu. Après tout, Julia était peut-être exécrable par moments, mais comme elle considérait les Gorgeônes comme sa deuxième famille, elle ne les abandonnait pas à leur sort. C'était comme ça, elle ne connaissait pas bien Gordon, mais c'était simplement par esprit de solidarité qu'elle agissait ainsi et non parce qu'elle l'avait pris en pitié.

Julia était une fille bien, du moins c'était ce qui apparaissait clairement aux yeux de Gordon. Elle aurait pu aller clamer haut et fort un peu partout que bébé Gordie avait pété un câble dans la cuisine. Avec un peu de sadisme, elle aurait même pu faire croire qu'il l'avait agressé, ou du moins qu'il avait essayé, et une autre séance de torture aurait lieu, ça il en était sûr.

Mais peut-être que ce qu'elle avait vu l'avait refroidi. Après tout, les combats dans la rue, c'était quelque chose, se battre contre les ennemis tout ça. Mais voir un membre de son propre clan se faire battre par des gens censés être ses alliés, c'en était une autre. Evidemment, elle était une Gorgeône et ça n'était pas d'avoir vu un truc aussi ignoble qui la ferait changer de camp. D'aileurs, lui-même ayant vécu ça ne quittait pas le clan, pour une raison obscure que lui seule connaissait finalement, et les Menissiors auraient trouvé qu'il avait tort. Mais lui savait qu'il avait raison.

Parce qu'un jour, quand il serait à la tête de ce clan, supplantant Joshua ou même étant son bras droit, tous ces idiots méprisants pleureraient de rage de devoir être à ses pieds. Et rien qu'à cette perspective, Gordon supportait les coups et les blessures, pour avoir sa vengeance. Et puis aussi... Lui, chez les Menissiors? Il se serait ennuyé, et il avait l'âme ôtée de tout sens moral maintenant, alors... Qu'est-ce qu'il aurait été faire là-bas?

La jeune fille avait beau afficher un air dur et antipathique, sa phrase soulaga Gordon d'un poids trop grand pour lui. En même temps, elle pouvait mentir mais il pouvait sentir une sorte de sincérité dans ses mots. Comme s'il savait pertinamment qu'elle ne dirait rien. Et il le savait. Parce que maintenant, elle était au courant de ce qu'il avait enduré, et peut-être bien que ses visions lui avaient donné un semblant d'aperçu de la souffrance, inutile, qu'il endurait à chaque instant dans ces moments là.

- Si, il s'est passé un truc. T'as parlé au pestiféré du clan.

Il sourit à sa remarque, constatant qu'il retrouvait son aplomb et son ironie habituelle. Ca faisait du bien d'être à nouveau soit même. Bien sûr, ça n'était pas ce qu'il avait voulu dire quand il lui avait demandé de se taire, mais il aimait bien se faire des petites pirouettes comme ça.

*Si seulement ça pouvait être ça!*

Il aurait aimé que ce soit l'averse qui l'ait mis dans un état pareil, un coup de froid ou quelque chose comme ça. Mais ça durait depuis plusieurs mois, ça empirait à chaque fois aussi. C'était difficile à gérer, carrément incontrôlable. Et ça n'était pas une maladie quelconque, il le savait, elle lui fournissait juste une excuse dont il n'avait pas besoin.

Malgré tout, il attrapa le verre qu'elle lui tendait et l'avala d'une traite, le reposant ensuite derrière.

- Merci, je crois que t'as raison.

C'était un merci général. Comme ça, il avait envie et besoin de le dire.

Et en plus de ça, ils savaient tous les deux qu'elle avait tort.

Si Julia était une fille bien ? Oui, on pouvait voir les choses comme ça. Il est vrai qu'elle aurait pu aller crier sur tous les toits e qui lui était arrivé, mais quel était l'intérêt ? Elle préférait de loin rabaisser les Menissior, chose qui s'avérait beaucoup plus plaisante et amusante. Et puis pourquoi causer des problèmes à quelqu'un du clan qui a du potentiel et qui peut vraiment être utile durant la guerre ? Gordon avait un pouvoir non négligeable, et une fois maîtrisé, il pourrait faire bien des dégâts. La télékinésie était une arme redoutable contre les ennemis, c'était donc inutile de rabaisser encore plus Gordon qui, même s'il n'irait jamais chez les Menissior, pouvait aller voir chez les Horckiliôns. Après tout, certains d'entre eux n'étaient pas forcément du côté des Menissiors, ce qui était une bonne chose.

Cette vision l'avait presque choquée, mêmesi elle savait les horreurs qu'il se passait dans ce métro. Cependant, Julia ne changerait jamais de camps. Le souvenir de la mort de ses parents était trop présent pour qu'elle puisse ainsi trahir leur mémoire. Elle voulait les venger, et elle continuerait jusqu'à ce qu'aucun des Menissiors soit en vie. Déterminée, personne ne pourrait la faire changer d'avis, et les personnes qui essayeraient seraient folles de le faire. La jeune femme leur rirait au nez avant de les tuer sans aucun scrupules.

La réplique de Gordon face à sa remarque l'étonna puis lui tira enfin un sourire. Encre ces histoires de mal-aimé des Gorgeônes. Elle n'en avait que faire, et même si les autres voulaient venir lui dire qu'il ne fallait pas traîner avec lui, elle était assez grande pour choisir à qui elle voulait parler, n'est-ce pas ? Elle haussa les épaules puis dit :

- Raison de plus pour ne pas en parler alors...

Elle eut un air presque amusé, son sourire arrogant prenant une autre forme, celui d'un sourire presque sincère, et de sa part c'était rare lorsqu'on n'était pas proche d'elle. Gordon ne lui paraissait pas gamin, antipathique ou tout ce qui pouvait s'entendre autour d'elle, alors quelle raison aurait-elle de le rabaisser comme les autres ? Aucune évidemment, elle ne perdait pas pour autant sa répartie habituelle.

Pour lui, ça aurait été d'autant plus facile si ça n'avait été qu'un début de maladie, une grippe ou quelque chose du genre, dû au froid et à la pluie, mais tous les deux savaient très bien que ce n'était pas ça. Mais bon, ils passeraient bien évidemment cet évènement sous silence. Julia n'était pas une balance et tant que ça ne mettait pas en cause la survie du clan, elle ne dirait rien. Après, si le non-contrôle de son pouvoir devenait trop dangereux pour les autres, elle serait obligée d'en parler à Joshua.

Au merci de Gordon, elle ne épondit rien, elle se contenta de lui faire un signe de tête puis s'assit sur la table, en tailleurs, rangeant lalame qu'elle avait reprise tout à l'heure. Inutile de recommencer à jouer avec si c'était pour énerver Gordon et l'obliger à réutiliser son pouvoir. Apparemment, c'était ça qui l'avait fait réagir comme ça tout à l'heure. C'était en l'utilisant que sa migraine était apparue. Il devrait peut-être quand même en parler avec quelqu'un de plus expérimenté qui pourrait l'aider, mais qui ? Si même Joshua le dénigrait. Les Menissiors avaient les puissants, des hommes sages, en tout cas d'après ce qu'on disait. En tout cas, ils en connaissaient un rayon en matière de combats et de pouvoirs, même si Julia n'était pas d'accord avec leurs idéaux. Certains lui avaient demandé un jour si elle était de leur côté, car ils trouvaient étrange qu'elle apprenne si vite et si bien, mais la jeune femme avait simplement éclaté de rire devant cette remarque. Mais alors que pensaient ceux qui avaient vu le Puissant lui sauver la vie ? Ce puissant qui ne cessait de tenter de l'enlever de l'influence de son clan. Chose impossible d'après elle et ceux qui la connaissaient vraiment. Ceux qui prétendaient le contraire étaient fous, tout simplement.
Julia observa Gordon un moment puis regarda un peu autour d'elle la cuisine redevenue calme. elle demanda d'une voix neutre :

- Tu pense que cette guerre finira un jour ?

Non pas qu'elle en avait marre, mais il état vrai qu'elle aurait bien voulu en connaître le dénouement. Par simple curiosité en tout cas, et elle avait déjà demandé à quelqu'un qui pouvait voir l'avenir s'il savait quelque chose à ce sujet. Elle n'en recevait que des réponses brèves, évasives.

*Ouais, n'en parlons pas*

C'était sûrement la chose la plus intelligente à faire. De toute façon, ce clan était sans doute le moins solidaire et le plus secret de tous. Les sous-fifres ne savaient rien des hautes décisions, sans doute Joshua et Penelope craignaient-ils des taupes ou autres dans leur QG. Finalement, ça n'était pas si stupide que ça, mais le désavantage, c'était que certains Gorgeônes s'avéraient faire n'importe quoi sous prétexte que leur chef ne leur disait rien. Et oui, si la plupart des membres de leur clan avaient une intelligence aiguisée pour faire le mal, d'autres se trouvaient renfermer un esprit totalement crétin et fonceur, et une chance monstrueuse leur avait permis de s'en sortir jusqu'à présent.

Gordon s'avança vers un placard au hasard, et tomba fort heureusement sur une denrée qu'il appréciait tout particulièrement: le chocolat. Il sourit doucement et attrapa la tablette complète, commençant à découper des petits carrés qui fondaient délicieusement sur sa langue. Il se retourna et vit que Julia était de nouveau assise, mais qu'elle avait arrêté son petit manège stressant qui avait visiblement déclenché "l'accident" de la migraine après qu'il ait utilisé son pouvoir. Il sourit alors et détacha une barre complète, la lançant en direction de la jeune fille tout en suçotant un morceau dans sa bouche. Après l'alcool, le chocolat était sans doute le petit plaisir que Gordon s'accordait volontiers quand il le voulait. Et en plus de ça, il pouvait en manger des tonnes, il ne grossissait pas. Il fallait dire qu'il n'était pas feignant et qu'il se battait souvent, ce qui aidait à perdre les kilos superflus des plus paresseux.

En regardant Julia, Gordon se rappella qu'elle avait eu un jour affaire à un Puissant qui depuis, n'avait de cesse de vouloir l'entraîner chez les gentils, ce que la jeune femme ne semblait pas trouver à son goût. Gordon, en se souvenant de ça, se fit mentalement la remarque qu'il était totalement paradoxal d'avoir une mémoire aussi phénoménale à propos d'un tas de choses qu'il avait entendues au détour d'un couloir et de ne pas se souvenir de quelque chose relevant de l'époque précédant ses 17 ans.

Gordon croqua un nouveau morceau de chocolat noir pendant que la jeune fille lui posait une question un peu étrange. Gordon fit mine d'y réfléchir, alors qu'en réalité, il savait très bien ce qu'il avait à répondre. Mais par principe, sur ce genre d'interrogations un peu particulières, il avait l'habitude de prendre le temps de tourner 7 fois sa langue dans sa bouche avant de parler. S'il commençait à dire n'importe quoi sur ce genre de choses, déjà qu'il n'était pas spécialement convaincu de l'idéologie des Gorgeônes...

- Même si elle se termine un jour, ce dont je doute fortement, la terre de cette ville sera trop imbibée de sang pour qu'on puisse rebâtir quelque chose de solide dessus.

De toute manière, Gordon était intimement convaincu qu'il mourrait jeune, et dans le contexte de la guerre. Il ne pensait pas aller au bout du conflit, et ça ne l'effrayait même pas en fait. Un atout majeur quand on se battait, c'était de ne pas craindre la mort. Oh, bien sûr, il fallait continuer à lutter contre son arrivée, mais ne pas avoir peur de l'affronter en face. C'était peut-être ça qui rendait ramolo les Menissiors en fait...

Peut-être que les Gorgeônes n'étaient pas très solidaires entre eux, mais lors des combats, on ne pouvait pas trouver de membres plus liés et surtout plus féroces. Ils n'épargnaient personne et, malgré les tensions qu'il y avait entre eux, il y avait d'énormes avantages. Se mépriser aiguisait parfois la combativité et la compétition entre les membres pouvaient être très bénéfique, chacun voulant dépasser les autres. Il est vrai que la compétition lors d'un combat n'était pas toujours très utile, mais au moins, tous voulaient progresser. Et puis il y avait aussi le fait que les membres les plus hauts placés ne disent rien aux autres, à cause des taupes. Mais là encore, ce système pouvait avoir ses défauts. Cependant, le contraire était valable chez les Menissiors. Trop en dire à ses membres pouvait être risqué, car l'un d'eux pouvait dire quelque chose sans le faire exprès ou encore se faire torturer pour ça. Cette idée plaisait d'ailleurs beaucoup à Julia. Même si elle savait que la personne n'était au courant de rien, elle continuait de la torturer afin de la tuer lentement. Ça pouvait paraître horrible, mais c'était une Gorgeône qui se montrait sans coeur en face d'un ennemi.

La jeune femme regarda Gordon se diriger vers un placard et en sortir une plaque de chocolat. Elle ne dit rien puis celui-ci lui jeta tout une barre qu'elle rattrapa d'une main. Avec un sourire de remerciement, elle cassa la barre en plusieurs carrés, dont elle en mis un dans la bouche, le laissant fondre sur sa langue. Le chocolat était sûrement son péché mignon, ainsi que toutes les petites friandises possibles, comme les bonbons et les sucettes. Peut-être était-ce pour ça que certains la considéraient encore comme une gamine. Il était vrai que voir la plus jeune femme du clan se promener avec une sucette à la bouche ne montrait pas que c'était une combattante redoutable.

Julia écouta attentivement la réponse de Jordan. Elle se plongea alors dans une réflexion. Il était vrai que si la guerre finissait, pour un camps comme pour l'autre, le temps de réadaptation serait rudement long. Julia était née en plein coeur de cette guerre, et elle ne se voyait pas vivre sans combattre. Peut-être que si la guerre finissait avec eux, la nouvelle génération pourrait reconstruire un monde neuf. Mais eux-même, c'était presque inconcevable. Julia releva la tête et avala son morceau de chocolat avant de répondre :

- Oui, peut-être. En tout cas j'ai du mal à imaginer comme ce serait...

On pouvait voir sur son visage qu'elle essayait de s'imaginer cet avenir insondable, ce futur qu'on ne pouvait qu'essayer de deviner. La jeune femme reprit un carré de chocolat puis, assise en tailleur, elle regarda à nouveau Gordon droit dans les yeux, comme elle le faisait toujours avec tout le monde. Avec un air amusé, elle ajouta :

- Optimistes comme ils sont, les Menissiors doivent déjà avoir fait de nouveaux plans pour la ville !

Ah c'est Menissiors, tellement sûrs d'eux. Dans leur tête, ce devait être très clair, c'était à eux que la victoire devait revenir. Julia se remit à penser qu'elle aurait bien voulu voir dans l'avenir. Mais en fait, le passé lui suffisait. Elle était très satisfaite, étant donné qu'elle pouvait revoir beaucoup de choses. Et puis, Gordon, lui, était amnésique et ne savait rien de son passé. Et ayant ce pouvoir, Julia ne pouvait concevoir de ne pas connaître les évènements passés. Ça ne devait pas être afréable de se demander tout le temps ce qu'on avait fait étant plus jeune. Si elle avait commencé elle aussi à vivre à partir de 17 ans, elle n'aurait à présent que deux ans de mémoire, ce qui ne faisait vraiment pas beaucoup.

Gordon remarqua que la jeune fille avait écouté attentivement ce qu'il venait de dire et qu'elle y réfléchissait apparement avec grande attention. Si on lui avait dit qu'un jour, ce qu'il dirait amenerait quelqu'un à se poser des questions, il se serait étouffé sur place! Et pourtant, c'était bel et bien le cas. Il fallait dire que Julia avait tout d'une fille intelligente et rusée, et il était bien content d'avoir pris l'hbaitude de réfléchir avant de parler en constatant qu'elle avait prêté autant d'attention à ses paroles. Il était aussi agréable de savoir que Julia était peu hostile à parler avec lui. Avoir des alliés, c'était parfois important, même chez les Gorgeônes.

C'était effectivement assez inconcevable, la paix. D'ailleurs, Gordon ne connaissait que la guerre, alors imaginer un monde en paix... C'était quasiment de la science-fiction pour lui! De toute façon, il ne verrait pas la paix, c'était comme une vérité absolue qu'il avait ancrée en lui. Persuadé qu'il mourrait dans cette guerre, il s'était habitué à cette idée et ça lui allait parfaitement. De toute manière, si les Gorgeônes venaient à vaincre le bien, il doutait qu'on lui foute clairement la paix. A moins qu'il ne soit parvenu à gravir quelques échellons.

- De toute façon, d'ici là à ce que l'un des clans ne gagne, on sera six pieds sous terre.

Et de toute manière, ils seraient bien trop traumatisés, emplis de violence, pour parvenir à bâtir un monde solide. Il en était de même pour les deux camps, la guerre qui durait les avait trop marqués au fer rouge pour s'effacer en une seule vie.

Gordon croqua un nouveau morceau de chocolat, appréciant de sentir la friandise se fissurer sous sa canine pointue. Il adoirat passer sa langue dessus, sentant l'email de sa dent venir s'enfoncer dans la chair. Gordon était quelqu'un de très sensible, aussi bien au niveau du toucher que de la vue. Mais surtout le toucher, ce qui était assez paradoxal vu qu'il était télékinesiste et qu'il n'avait pas besoin de toucher quelque chose pour avoir un contrôle quasi absolu dessus.

Il sourit en essayant de s'imaginer le monde des Menissiors. Ca devait être assez comique, et si un jour il était créé, il ne serait pas là pour le voir, et c'était tant mieux d'ailleurs.

- Oh oui, un monde de Teletubbies! Pleins de couleurs, de câlins et d'amour pour masquer les cicatrices profondes qu'auront laissé la guerre dans leur coeur... Si tant est qu'ils la gagnent!

Il rit cyniquement et vit qu'elle l'observait. Il connaissait bien ce regard. C'était celui des gens qui se demandaient ce que ça faisait d'avoir perdu 17 ans de sa vie et de ne pas savoir qui on était avant. Mais Gordon se foutait bien de ce genre de regards, car jamais ces gens ne pourraient ressentir ce vide qu'il avait en lui, cette énorme période de sa vie qui avait été effacée par il ne savait quoi...

- Me regarde pas comme ça. Tu peux même pas imaginer ce que ça fait. Essaye de te représenter la cuite monumentale de ta vie, une soirée que t'oublie... Bin moi c'est ça, mais étalé sur 17 ans.

Il soupira discrètement, et termina la plaquette de chocolat. Déjà... Il l'avait joué goinfre sur ce coup là!

A vrai dire, la remarque de Gordon avait fait réfléchir la jeune femme car ce sujet l'interpellait. Julia avait posé sa question comme ça, sans réfléchir, pensant que le jeune homme répondrait au hasard ou dirait qu'il n'en savait rien. Mais sa remarque était tout à fait juste. Comment pourrait-on objectivement reconstruire quoique ce soit après toutes ces années de guerre, ces années d'horreur et d'atrocités. En fait, personne ne le savait. Pas même ceux qui voyaient l'avenir. Car l'avenir faisait toujours en sorte de garder sa part de mystères et de hasards. Rien n'était donc joué, pour un camps comme pour l'autre. Il leur fallait encore combattre dur pour arriver à quelque chose de concret. Pour l'instant, il y avait des morts des deux côtés, et la balance avait du mal à pencher pour un seul des deux clans ennemis. Si les Horckiliôns choisissaient leur côté, tout se concrétiserait enfin, mais pour l'instant, l'avenir restait flou.

La seconde remarque de Gordon était tout à fait vraie. Si aucun évènement ne provoquait de changement brutal dans cette guerre, celle-ci risquait de durer indéfiniment et, d'ici-là, ils risquaient de ne déjà plus être de ce monde. Mais cet évènement n'était-il pas l'arrivée des Tanissârs ? Mais dans ce cas-là, ce serait le bien qui aurait l'avantage. Julia ne pouvait le concevoir. Ce serait injuste que le bien ait une aide et pas eux. Mais alors, qu'est-ce qui était juste en fin de comptes ? Question qu'on pouvait se poser, mais pas tout de suite.
Surtout que Gordon parlait d'un monde de Teletubbies haut en couleur. Un rire s'échappa de la bouche de la jeune femme puis elle rétorqua :

- Personnellement, j'aurais préféré un monde de Bisounours, mais l'idée des Teletubbies est pas si mal que ça.

Elle leva les yeux au ciel devant cette idée pour le moins absurde. Son interlocuteur reprit la parole, une remarque qui l'étonna. Elle fronça les sourcils devant ce qu'il disait, gardant un visage plus ou moins neutre, prenant le temps de réfléchir. A vrai dire, elle n'arrivait vraiment pas à se l'imaginer. Elle répondit :

- C'est dommage que je vois pas assez loin dans le passé, j'aurais pu essayer...

Elle s'interrompit. A vrai dire, si les autres évènements du passé de Gordon ressemblaient à ce qu'elle avait vu, mieux valait-il peut-être oublier cette idée. Mais il n'y avait pas que cette pensée qui l'avait interrompue dans sa phrase. Un élancement se fit ressentir au creux de son ventre, là où elle avait sa blessure. Serrant les dents, elle porta ses mains à cet endroit douloureux puis respira calmement. Cette blessure aurait pu ne pas lui faire autant mal si cette idiote de Menings ne l'avait pas accentuée. Qu'est-ce qu'elle ne donnerait pas pour en finir avec elle une bonne fois pour toutes ! Julia finit son morceau de chocolat puis se leva pour aller vers le réfrigérateur. Elle y sortit un canette de bière et en prit une pour Gordon. Elle la lui lança puis ouvrit la sienne avant se rasseoir où elle était quelques secondes plus tôt.

Gordon se doutait tout à fait que ce genre de remarques avec allusions à un monde coloré et trop plein d'amour, la jeune Gorgeône rierait. Gordon arbora un sourire en coin absolument craquant, quoiqu'un peu effrayant. Elle ironisa la situation, et le jeune homme se contenta de lâcher un rire étouffé et bref à sa réponse. Teletubbies, Bisounours, Oui-Oui et les autres, c'était la même famille des braves amis qui attrapent toujours les méchants et qui dépriment quand ils perdent leur ballon fétiche. Connerie. La déprime, déjà, c'était pour les faibles, et y'avait sûrement bien pire dans la vie que de voir une fleur fâner. Voir un frère crever à ses pieds par exemple, problème que Gordon ne connaissait pas par contre vu qu'il n'avait aucun frère de coeur. Mais rien que voir mourir un ennemi à ses pieds, c'était pénible même si parfois quasi jouissif. Enfin, c'était surtout dur au début, à force la sensation désagréable passait. Il suffisait de laisser sa conscience de côté.

- Au pire, on mélange un peu les deux: des oursons sur des collines avec un aspirateur en guise de nounou et un soleil avec une tête de bébé.

Il se demandait comment il savait tout ça, mais il avait du parler de ce genre de stupidités avant son amnésie. Comme quoi les Menissiors devaient adorer ces trucs de gamins.

Il la vit froncer les sourcils; sûrement était-elle étonné qu'il ait compris ce qu'elle pensait rien qu'à son regard, mais elle était loin d'être la première à le regarder de cette façon là. Et visiblement, elle n'avait pas l'air de s'être pris une assez grosse cuite pour imaginer ne serait-ce qu'un cent millième de ce qu'il ressentait. De toute façon, c'était une douleur, un vide incommensurable qu'il avait en lui et qui lui dévorait presque les entrailles.

Il fit une petite moue quand elle se proposa de l'aider malgré l'inutilité de la chose, puis posa ses fesses sur le carelage froid du meuble de cuisine.

- J'crois que t'en as vu assez à propos de moi.

Qui sait, peut-être avait-il vécu pire?

Elle n'avait pas terminé sa phrase parce qu'apparement, elle avait mal quelque part. Tout le monde avait toujours mal quelque part, comme Gordon se trainait la patte en ce moment, même si ça allait mieux, et il avait une plaie qui commençait à s'infecter près de ses reins, malgré les soins qu'il recevait à l'infirmerie. C'était ça la guerre. Pas de place pour les chochottes.

Il attrapa volontiers la bière qu'elle lui lança et l'ouvrit sans même se servir du décapsuleur et de sa poigne, décidement la télékinésie évitait de se fragiliser les mains. D'ailleurs, celles de Gordon étaient impeccables. Pas une seule entaille ne venait entraver la beauté quasi parfaite de ses mains délicates. Non pas qu'il ne les utilisait jamais, c'était faux, mais quand il savait qu'il risquait de les blesser, il avait recours à son esprit, ce qui était bien plus pratique.

Ils burent leurs bières en silence, sans trop savoir quoi se dire en fait, et la porte s'ouvrit dans un bruit fracassant, révélant la silhouette du titubant cerbère Parker, et Gordon manqua de s'étouffer en voyant qu'il se tenait désespérement l'épaule que Peter lui avait démontée. Malgré tout, il garda son sérieux.

- Gordie, ramène-toi par là, y'a un truc coincé là-haut.

Gordon soupira devant l'amabilité flagrante de ce type. Ils avaient tous les deux une aversion profonde l'un pour l'autre, mais vu que Gordon était le seul télékinésiste des Gorgeônes, quand un idiot s'amusait à bloquer un truc entre les tuyaux qui circulaient le long du plafond fissuré, ils avaient besoin de lui. Ca le faisait jubiler d'ailleurs, et il affichait une mine satisfaite de puissance, prenant tout son temps.

D'ailleurs, il but jusqu'à la dernière goutte de bière avant de descendre de son petit perchoir et de faire un signe de tête à Julia en passant pour rejoindre Parker.

- A plus je suppose.

Ils passèrent la porte et Gordon souriait comme un imbécile heureux, une troupe de Gorgeônes grognants d'impatience qu'il ne vienne leur décoincer leur bidule inutile.

Il pensait que la vision d'un monde tout beau tout coloré ne lui plairait pas, et il avait visé juste. Julia était plutôt une fille sombre, et malgré ce qu'on pourrait penser lorsqu'on la voit, elle est tout sauf une gentille petite fifille qui aime faire des câlins et jouer à la poupée. Elle est tout le contraire de son apparence. Ses airs angéliques et ses yeux d'un bleu pur sont une joli façade pour ceux qui pensent que le monde est justement tout beau et tout coloré. Les gens se prennent vite dans ses filets lorsqu'ils ne la connaissent pas. C'est d'ailleurs pour ça que Julia a si vite progressé. Les anciens ont vu qu'elle avait de la facilité à prendre les gens par surprise et, quelques fois, à récolter des informations dans la plus pure des hypocrisies. Une qualité que les Goregeônes appréciaient.
La remarque de Gordon la fit sourire puis elle rétorqua :

- Oui, mais alors seulement au pire...

Un soleil avec une tête de bébé, il ne manquait plus que ça ! C'était d'une absurdité. Bon, la jeune femme aimait bien les enfants, mais de là à les idolâtrer au point de tomber en admiration à chaque fois qu'elle en voit un, non merci ! Il en fallait beaucoup pour émouvoir Julia.
La remarque de Gordon face à ce qu'elle avait vu ne laissa aucune place au doute. Il était vrai qu'elle préférait ne rien savoir d'autre pour le moment. Du moins tant qu'il ne serait pas d'accord. Pas question de gentillesse, vous vous trompez ! Mais simplement de respect par rapport à un allié. Eh oui, les Gorgeônes étaient peut-être sans pitié, ils avaient eux aussi leurs principes. Le respect était l'un d'eux, même si tous ne le suivait pas forcément. D'ailleurs, alors qu'elle buvait, Parker ouvrit la porte à la volée pour "ordonner" à Gordon d'aller l'aider. Elle leva les yeux au ciel devant tant d'incapacité. Certains n'étaient même pas capables de se débrouiller tout seuls. Non mais franchement, croire que beaucoup ne prenaient pas leurs entraînements et cette guerre au sérieux. Certains étaient vraiment des empruntés, ne sachant rien faire. Et Julia l'avouait bien volontiers, même dans son clan. Après un soupir, elle répondit à Gordon avec un sourire éloquent :

- Oui, sûrement.

Le pauvre, franchement, devoir se coltiner cet abruti ! Julia ne l'aimait pas beaucoup non plus, mais que voulez-vous, quelques fois, on ne choisit pas ses alliés. Ou plutôt, on ne choisit pas sa famille, et les Gorgeônes étaient sa famille.
Elle resta seule quelques minutes, finit sa bière, puis sortit de la cuisine, cherchant quelque chose à faire ou simplement une personne à avec qui discuter pour ne pas s'ennuyer ferme dans ce Tube humide.

Sujet Terminé

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