Un loup dans la nuit [Julia Daly]

La nuit était le royaume des Gorgeônes c'était bien connu, et ceux-ci aimaient particulièrement les cimetières, surtout les nostalgiques de leur dernière attaque avec des victimes, car ces derniers temps ça devenait rare, principalement à cause des Menissiors. D'où la présence de Jeremy dans leur rang. Les Menissiors savaient qu'il était pourtant de la race des Gorgeônes, c'est à dire un démon, mais les Menissiors étaient assez désespérés pour vaincre les Gorgeônes et assez avide de promesse d'un monde meilleur qu'ils avaient cru à son désir de rédemption. Evidement le plus dur était de jouer chaque jour les durs, mais grâce à son pouvoir, cela pouvait devenir un peu plus amusant, sachant qu'ils ne sauraient jamais ce qu'il ressentait. Heureusement, parce que le jeune homme détestait faire le bien. Peut-être parce qu'il avait été élevé par les Gorgeônes, c'est vrai qu'il n'avait rien connu d'autre que faire le mal et s'en repaître. Mais il faut bien dire, quand même, qu'il aimait ça. Eh bien, oui, c'est vrai. Ca lui donnait le sentiment d'être vivant, et toute cette adrénaline dans ses veines coulant à une vitesse effrayante, le plaisir non dissimulés qu'il ressentait en donnant la mort, en sentant sa victime s'effondrer dans ses bras, et lui donner un baiser d'adieu sur le front. Oui, il était un tueur exquis. Si tuer était une seconde nature pour lui, cela lui permettait d'être un assassin efficace, et le rendait nécessaire au clan des Menissiors dont certains étaient incapables d'agir ainsi. L'avantage qu'on ne viendrait pas lui demander ce qu'il avait fait, car on n'avait pas envie de le savoir.

Les mains enfoncées dans les poches, le jeune Jeremy marchait, profondément enfoncé dans ses pensées, oubliant presque ce qu'il y avait autour de lui. Il avait passé une sale journée. D'ailleurs, il détestait le jour. Ca le rendait fiévreux, plus nerveux qu'en temps habituel, comme si la lumière du jour pouvait faire fondre son masque et dévoiler son véritable visage, alors qu'il aurait été plus intelligent probablement de redouter la nuit. Oh bien sûr, qu'il la redoutait aussi, quelque part. Parce qu'il était si paisible, si heureux une fois la nuit tombé, qu'il risquait de dévoilé son trop grand goût pour l'obscurité, particularité du clan dont il était issu, mais qu'il était sensé détesté pour les Menissiors. Un bruit l'éveilla de ses réflexions.

La nuit était douce, agréable, accueillante, et à la fois sombre, silencieuse et effrayante. Il s'en dégageait une atmosphère que seules quelques personnes dans cette ville appréciaient vraiment. Une atmosphère d'angoisse, d'insécurité. C'est pourquoi les Gorgeônes adoraient ça. Cette nuit-là, la Lune ne formait qu'un mince et pâle croissant, incapable d'éclairer les alentours. Et les nuages poussés par la brise n'arrangeaient pas les choses. On ne pouvait apercevoir une seule étoile, pas une seule lueur ne filtrait, si ce n'est celle des fenêtres encore allumées. Mais elles étaient rares, car à la tombée de la nuit, laisser la lumière allumée était clamer haut et fort sa présence et donc, c'était également signer son arrêt de mort.

Julia était à nouveau de sortie dans cette lourde ambiance de terreur. Ce soir, elle n'était pas là pour une simple balade. Toute vêtue de noir, les cheveux attachés et ses lames cachées sous ses manches, elle était telle une ombre qui passait dans les rues. Une ombre qu'on pensait avoir vu mais qui disparaissait avant qu'on ne pense à regarder de plus près. Elle était prête à dire au revoir à quelques Menissiors ce soir-là, à condition qu'ils aient l'envie de sortir de leur trou. Elle pourrait peut-être les attendre à la sortie du bar ou d'un endroit qu'ils n'avaient pas peur de fréquenter la nuit, ce qui était une lourde erreur.

Alors qu'elle était dissimulée dans l'ombre, près du Sunset Bar, elle vit quelque chose passer devant elle, ou plutôt quelqu'un. Elle n'arrivait pas à dire s'il était un Gorgeône ou un membre d'un autre clan, c'est pourquoi elle le suivit. A pas de loup, elle resta à bonne distance afin qu'il ne l'entende pas, ni ne la voie. D'ailleurs, le jeune homme qui marchait devant elle était plutôt rapide et discret lui aussi.

Julia le suivit jusqu'au cimetière. C'était la deuxième fois en une semaine qu'elle s'y rendait. Ce qui était assez ironique étant donné qu'elle n'y avait plus mis les pieds pendant des mois. Cependant, cette fois-ci, les circonstances étaient un peu différente de la dernière fois. Et puis le jeune homme était entré depuis l'autre côté du cimetière, loin de la tombe de ses parents, plus près des tombes récentes. Avait-il perdu quelqu'un récemment ? Il toucha une tombe avec la main et Julia s'empressa de faire de même une fois qu'il s'était éloigné. Elle put ainsi apercevoir son visage dans une très brève vision. Elle le reconnut aisément. Avec un sourire, elle se redressa de toute sa hauteur, sans avoir peur de se faire remarquer, au contraire. Elle lui adressa la parole :

- Je vois que tu n'as pas perdu les vieilles habitudes.

Il n'y avait que les Gorgeônes pour se balader la nuit et Julia l'avait reconnu. Jeremy, un membre en mission chez les Menissiors. Normalement, il était rare de le voir. Cela faisait des mois que ça n'avait pas été le cas. Car il ne parlait plus qu'à Joshua de leur clan pour ne pas éveiller les soupçons. Julia comprenait tout à fait ces raisons, mais quelques fois, n'ayant pas de nouvelles de cette mission, elle se demandait si le Gorgeône n'avait pas retourné sa veste. Cependant, en le voyant ici ce soir, elle était presque fixée. Rares étaient les personnes qui se baladaient dans la nuit noire, et le Gorgeône en faisait partie.

Jeremy savait que ça n'était guère prudent de se balader seul dans le cimetière par une nuit noire, autant hurler sur les toits de quel clan il était issu. Mais les Menissiors savaient qu'il était issu du clan des Gorgeônes et même s'il cherchait la redemption auprès d'eux, il restait un homme aimant l'obscurité. Et puis après tout, il avait une bonne excuse pour être là, dans ce cimetière, peut-être pas la nuit, mais ne lui avait-on pas dit que ses parents y étaient enterrés. Certes, on ne lui avait pas précisé de nom, ni même si c'était vraiment dans ce cimetière. Il était un môme lorsqu'on lui avait dit ça peut-être simplement pour qu'il arrête de poser des questions. Mais Jeremy, quelque part, adorait cet endroit. Il ne se l'imaginait pas comme un mausolée lorsqu'il était enfant, il pouvait y passer des heures, il s'y sentait comme chez lui.

En arrivant dans le cimetière, il se mit à sourire, une petite souris avait pris le même chemin que lui. Il s'arrêta puis se tourna vers elle. Une gorgeône. Evidement, qui d'autre aurait pu le suivre jusque dans un cimetière, en pleine nuit? Cela faisait longtemps qu'il ne l'avait pas vu. Une véritable poupée aux yeux bleus qu'il connaissait, ils n'étaient pas vraiment amis, mais pas ennemis non plus. En fait, il ne l'avait jamais approché pour la bonne raison qu'il connaissait son pouvoir et qu'il n'avait aucune envie qu'elle trotte dans sa tête, qu'elle voit pourrait ne pas lui plaire et en tout cas il n'avait pas envie qu'elle voit certaine chose, à l'époque, et maintenant ça ne s'arrangeait pas. Il resta de profil, le regard en coin, mais pas de sourire, pas d'expression, aucun moyen de savoir ce qu'il pensait.

- « Ne t'approche pas, je suis pas sensé discuter avec toi. »

Qu'il se balade la nuit allait peut-être en effet éveiller les soupçons des Menissiors, mais ceux-ci étaient tellement peu vifs d'esprits qu'ils ne se rendraient probablement jamais compte que Jeremy n'avait jamais changé de camps. Du moment que celui-ci restait toujours aussi discret qu'il l'avait été jusqu'à présent, ils ne s'en apercevraient jamais. Car question discrétion, il était plutôt doué. Cela faisait plusieurs mois que Julia n'avait plus entendu parler du jeune homme, et encore lus longtemps qu'elle ne l'avait pas vu. D'ailleurs, d'après ce qu'elle voyait, il n'avait pas beaucoup changé. Du moins physiquement. Mentalement, il était toujours autant difficile de le cerner.

A la remarque du jeune homme, Julia eut un imperceptible sourire. Elle s'approcha doucement, sans mouvement brusque pour lui montrer qu'elle n'avait aucune mauvaise intention. Après tout, certains autres Gorgeônes lui en voulaient d'avoir changé de camps car ils ne savaient pas toute l'histoire. Ou alors ils ne la croyaient pas. Car évidemment, Joshua leur avait dit de ne pas se venger, sinon le camps perdrait un très bon élément. Un espion, ça ne se trouvait pas si facilement.
La jeune femme se rapprocha, elle était à présent à un mètre de lui. Seule une tombe les séparait. Elle murmura assez fort pour qu'il entende :

- T'as peur que tes nouveaux amis te voient avec moi ?

Elle comprenait tout à fait, mais du genre inconsciente, elle aimait prendre des risques. Elle aimait à penser que les Menissiors étaient trop peureux pour sortir par une nuit aussi sombre et que, habillée comme elle était, il serait difficile de la reconnaître dans un endroit si peu éclairé. Seuls ses yeux brillaient dans la nuit, car mêmes ses lames étaient camouflées par ses soins. Quelqu'un qui les verrait de loin ne l'apercevrait peut-être pas, ou en tout cas, ne la reconnaîtrait pas. Julia avait fait le nécessaire pour ça.

Elle s'assit sur une tombe blanche, immaculée, encore toute récente. Ses yeux restaient fixés sur le Gorgeône de son habituel air assuré. Un sourire à la fois charmant et arrogant restait affiché sur ses lèvres. D'une voix toujours très basse, elle demanda :

- Tu ne t'ennuie pas trop avec eux ? Ou tu as commencé à prendre plaisir à jouer à la poupée le soir ?

Elle plaisantait, mais en même temps, elle essayait de le titiller. Ah l'humour Gorgeône, ce n'était pas compréhensible par tous. Surtout l'humour de Julia. Elle aimait bien chercher les gens qu'elle avait en face d'elle, même ceux qu'elle appréciait. Et à vrai dire, elle testait un peu Jeremy. Elle voulait savoir s'il n'avait pas été complètement abruti par leurs adversaires. Après tout, ça ne devait pas être facile tous les jours. Et même s'il lui arrivait d'avoir des doutes sur la loyauté du jeune homme, elle pensait qu'il était encore dans leur camps à eux.

Si Julia pensait qu’il craignait pour sa couverture, elle avait vu juste. Cette rencontre d’un soir pouvait paraître innocente mais pas pour un Menissior. A leur yeux les Gorgeônes devaient être abattu à vue. Et ça n’était pas dans l’idée qu’avait Jeremy d’une ballade tranquille la nuit venue dans un cimetière qui lui rappelait tant de souvenir, d’autres nuits passés à recherché autre chose que la violence et la destruction. Il ne voulait pas devoir se battre, pas une nouvelle fois contre une Gorgeônes, par une nouvelle fois devoir tuer quelqu’un de son camps, pas devoir à nouveau s’enfoncer dans les actes de violences tournés uniquement vers un idéal de bien complètement salis par la violence dans lequel il baignait. C’est pour cela qu’en aucun cas Jeremy ne changerait de camps, qu’en aucun cas il ne se laisserait bercer par les illusions des Menissiors. Comment pouvait-on espérer faire le bien en étant violent ? C’était à ses yeux tellement incompréhensible qu’il ne pourrait jamais adhérer à leur idéaux, à leurs valeurs et encore moins à leur mode de fonctionnement. Mais il jouait tellement bien la comédie. Un parfait comédien. Personne ne pensait une seconde qu’il tuait sans remord, que c’était pour lui une seconde nature, aussi naturel que respirer.

- « Ne sois pas idiote, tu sais bien que cette couverture a été difficile à mettre en place. Veux-tu vraiment tout foutre en l’air tout ça pour te rappeler du bon vieux temps ? »

Lorsqu’il était encore une Gorgeône, de manière officielle, il était déjà très sec, et ne laissait personne l’approcher, qui que ce soit, quelque soit ses pouvoirs. Seul Joshua était assez proche de lui pour savoir ce qu’il voulait. Du moins assez pour le persuader qu’il voulait jouer les espions pour les Gorgeônes. Il aurait été difficile de le demander à quelqu’un d’autre. Non seulement Jeremy possédait les pouvoirs qu’il fallait pour réussir cette mission mais de plus, il n’était proche de personne, ne s’était attaché à aucun membre du groupe, il était solitaire, toujours seul, toujours à rechercher des moments de solitude, et à les apprécier. Oui, Joshua avait bien calculer son coup. Le mystérieux Jeremy ne manquerait pas vraiment au membres du clans, même si sa capacité à tuer avec une telle discrétion n’appartenait qu’à lui-même et que de ce point de vue là, personne d’autre n’y parvenait. Mais le prix des informations valait bien la perte du meilleur assassin du clan.

- « Méfie toi, les Menissiors ne sont pas aussi gentils qu’ils le prétendent. Et je préfère pas savoir ce qu’ils feraient d’une poupée. »

En réalité, les membres de ce qu’il devait appeler désormais son clan, passait le plus clair de leur temps à mettre au point des plans qui n’avaient rien d’angélique, et à s’entraîner. Ils dédiaient leur vie au combat, à la violence, tout en conservant cet espèce d’idéal de faire le bien. Mais aux yeux de Jeremy, ils n’agissaient finalement pas différemment des Gorgeônes. La violence faisait partit de leur quotidien et ils s’en accommodaient très bien même s’ils disaient ne pas y prendre goût.

Foutre en l'air une couverture pour se rappeler le bon vieux temps ? Ce n'était pas son genre voyons. Julia était inconsciente, tête brûlée, mais pas stupide à ce point. Bon, évidemment, là elle prenait des risques en continuant de lui parler, mais comme il a déjà été dit, elle ne pensait pas qu'on pouvait la reconnaître. Surtout que peu de Menissiors avaient eu l'occasion de la croiser. Elle-même savait le nom de beaucoup d'entre eux, mais étant l'une des plus jeunes et une des dernières à être entrée dans ce clan, seul un petit nombre savait à quoi elle ressemblait et de quoi elle était capable. Sauf, bien entendu, si Clarisse s'était empressée d'aller rapporter leurs belles rencontres à ses "supérieurs". La petite peste avait bien de la chance, elle lui avait échappé jusqu'à maintenant, mais Julia ne comptait pas la laisser s'en sortir longtemps comme ça. Sa rage de vengeance devait probablement l'aveugler en certains points et elle agissait un peu trop sur un coup de tête, mais une fois que cette histoire serait terminée pour de bon, elle en serait bien évidemment soulagée. La jeune femme adressa un sourire à Jeremy avant de répondre :

- Loin de moi cette idée...

Julia n'était pas spécialement proche de Jeremy avant qu'il ne s'en aille. Non seulement parce qu'il était plutôt solitaire, mais aussi parce que les circonstances avaient fait que ce n'était tout simplement pas le cas. Ils avaient déjà eu des entraînements ensemble, et la jeune femme savait que c'était un combattant redoutable. Pas forcément le meilleur du groupe, mais il agissait avec tellement de rapidité et de discrétion qu'on se demandait parfois si c'était vraiment lui qui l'avait fait. Rares étaient les gens capables d'assassiner de manière si propre. Les Gorgeônes avaient en effet tendance à laisser des marques derrières eux. Beaucoup de sang ou des traces horriblement visibles sur le corps de la victime. Souvent, c'était là un signe de reconnaissance. Ils voulaient montrer à l'autre clan que c'était leur oeuvre, et qu'ils n'étaient pas prêts de s'arrêter là.

Julia observait Jeremy. Elle avait oublié à quel point il était doué pour cacher la moindre émotion. Rien ne transparaissait sur son visage. Pas un sourire ou une moue qui trahirait un quelconque sentiment. Son ton était sec mais on n'en ressentait pas pour autant l'antipathie. C'était quelque chose de perturbant et d'indescriptible. Il était difficile de savoir vraiment ce qu'il pensait, et c'était évident pour la jeune femme que son pouvoir était l'un des plus intéressants. Même ses yeux, d'un bleu aussi perçant que les siens, ne laissaient rien paraître. Dans la nuit noire, c'en était presque effrayant. Presque. Julia n'allait pas être effrayée par si peu. Elle esquissa un sourire amusé à la réponse du jeune homme, fronçant les sourcils d'un air sceptique. Puis elle se releva pour s'approcher un peu plus. Elle parla à nouveau d'une voix basse, presque sensuelle :

- Ohh, le camps du bien aurait donc un côté sombre qu'ils nous cachent ? Et il t'a fallu tout ce temps pour t'en rendre compte ?

Cette arrogance dont elle faisait preuve en aurait agacé plus d'un. Elle se demandait d'ailleurs comment Jeremy réagirait, avec un pouvoir comme le sien, il était capable de cacher ses émotions, mais pas de ne pas les ressentir. Julia avait dit cette remarque comme si elle allait de soi et comme si elle sous-entendait que son espionnage ne servait à rien puisque ce n'était pas vraiment nouveau. D'ailleurs, le fait que les Menissiors recouraient autant à la violence était l'une des raisons qui faisait que Julia les détestait tant. Ils prônaient la bonté et la gentillesse, mais ils avaient recourt à des moyens parfois bien plus fourbes que les leurs. Quand on voulait se battre pour ses idéaux, il ne fallait pas le faire en les contredisant.

Le jeune homme observait Julia sans montrer le moindre signe d’émotion, cela avait toujours perturbés ceux qui l’entourait, quelque soit leur camp mais il fallait dire qu’elle était du camps des Gorgeônes, et de ce clan, peu craignait quelque chose, que ce soit le manque de ressentit ou d’émotion ou cette capacité à effacer de son visage tout marque qu’aurait pu laisser un assassinat ou pire encore, alors il n’était nullement étonné de ne pas la voir essayer de chercher en lui une trace d’émotion, mais il devait admettre qu’elle aussi ressentait cette gêne, comme tous les autres. Cela l’avait toujours protégé des autres, l’avait poussé à ne pas s’attacher, à qui que ce soit, parce qu’il considérait que si l’on ne pouvait savoir ce qu’il pensait ou ce qu’il ressentait, on ne méritait pas son amour, ou au moins son attention. De ce fait, il se sentait relativement protégé.

Et la solitude n’était pas un sentiment qui le gênait outre mesure. Comment regretter quelque chose qu’on a jamais eu ? Jamais il n’y avait eu de personne proche de lui, jamais il n’y avait eu de personne capable de percer son mystère, et ça lui allait très bien. Devenir une ombre parmi les ombres, un assassin aussi discret qu’invisible était pour lui quelque chose qui revêtait une certaine importance, c’était sa fierté. Il savait que personne d’autre n’était capable d’agir ainsi. Qu’un jour ou l’autre les Menissiors s’effondraient à cause des actes qu’ils avaient commis, quelque soit la cause qu’ils défendaient en agissant, les remords les rattrapaient toujours mais pour lui, c’était facile. Non seulement il ne ressentait pas de telles choses mais en plus, il n’avait pas le regard des autres chargés du poids de leur propre conscience. Cela ne signifiait pas que le jeune homme n’avait pas de conscience, simplement que la sienne avait presque totalement disparue, ou du moins, ne le dérangeait plus.

- « Les Menissiors ne sont pas le clan du bien, ils seraient incapable de représenter le bien, et je me demande bien si le Paradis auquel ils croient les recevra aussi bien qu’ils le pensent. »

C’était une joie personnelle de songer à tous ces actes odieux qu’avaient commis les Menissiors et qui pesait sur leur conscience, la manière dont ils parvenaient à gérer tout cela, les observer à essayer d’oublier le mal qu’ils faisaient sous le couvert du bien. A ses yeux un clan comme les Menissiors ne peut représenter le bien. Sa vision du bien était peut-être déformée ou imprécise parce qu’il venait d’un clan pour lequel le bien et le mal n’était que des idéaux d’un autre temps, et ne représentait en rien ceux du clan, qui s’estimait bien au-delà de ces valeurs obsolètes, mais il s’y confortait dans son jugement.

Nul sourire ne franchit ses lèvres, nul éclat pétillant surgit dans son regard, pourtant c’était de la pure malice qui le poussa à dire à la jeune Gorgeône ces quelques mots. Lui pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert, alors qu’elle en était incapable à son propos, et cela l’amusait beaucoup.

- « Tu crois vraiment pouvoir me blesser avec des paroles aussi inutiles que futiles ? L’unique personne que je renseigne est Joshua et personne d’autre. »

» Julia C. Daly
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